Morgan, histoire de la marque

D'après les textes du site du club Morgan Three Wheeler anglais écrits par Adrian Murray-Leslie, photos incluses

Les Morgan Two-Speed  1909-1932

Lorsque Henry Morgan a conçu son premier trois-roues avant la Première Guerre mondiale, la simplicité était au cœur de ses préoccupations. La disposition de base du châssis était élégamment simple mais en réalisant une suspension indépendante sur les trois roues et en utilisant des fourches oscillantes à l'arrière et des colonnes coulissantes à l'avant. La carrosserie était pratiquement inexistante et la direction était assurée par une barre franche. Les transmissions pour tout véhicule motorisé à l'époque avaient rarement plus de trois rapports, et souvent un seul. Dans le cas des motos, même un embrayage était un article de luxe ! La complication d'une marche arrière et des freins à l'avant n'étaient pas nécessaire pour un véhicule aussi léger. À la place, les conducteurs pouvaient compter sur deux freins à bande à serrage externe sur la roue arrière qui, à l'occasion, pouvaient grincer fortement mais dont le freinage  n'étaient pas trop mauvais lorsque le temps était sec. . .  Les deux vitesses étaient réalisées par deux chaînes sur la roue arrière offrant le choix de sélectionner un rapport court et un rapport long, avec le point mort entre les deux. Les moteurs que Morgan a essayés au début avaient une cylindrée comprise entre 680 cm3 et 1000 cm3. C'étaient presque exclusivement des bicylindres en V offrant un excellent rapport poids/puissance.
Au fil des années qui ont précédé l'introduction des modèles à trois vitesses avec marche arrière, la conception a évolué pour devenir plus robuste, incluant une carrosserie plus fermée, un volant approprié, des jeux d'éclairage électriques et à partir de 1926, des freins de roues avants en standard. La transmission a également évolué de la Type B vers la Type M avec boîte de renvoi, fourche et  ressorts repensés et grandement améliorés, ainsi que des puissants freins à tambours de 8 pouces en 1929. Les moteurs, eux aussi, ont augmenté en variété, en capacité et en puissance.

Les moteurs ont toujours été achetés à des tiers. Après s'être fourni au travers d'un certain nombre de petits fabricants durant les années d'avant 1914, Morgan s'est tourné vers des fournisseurs traditionnels pour un plus grand nombre d'unités, tels que J.A.P, MAG fabriqués en Suisse, British Anzani et Blackburne. Parmi ceux-ci, les J.A.P ont été les plus performants et ont fourni plus de moteurs sur une période plus longue que les autres, continuant jusqu'à l'ère des modèles à boîte 3 vitesses, pour enfin être supplantés par Matchless en 1933. Les J.A.P ont également connu un plus grand succès en compétition que les autres, bien qu'entre 1922 et 1927, Blackburne connut aussi un succès considérable. Le moteur MAG était magnifiquement conçu et fonctionnait très silencieusement avec fiabilité. Le British Anzani, cependant, a connu des débuts désastreux avec Morgan en 1922. Ils n'ont retrouvé une partie de leur dignité qu'après la faillite de l'entreprise originale quand son repreneur a repensé le mécanisme de distribution, mais au détriment de la puissance. Pour les moteurs, un choix d'options  était proposé aux clients, moteurs à soupapes en tête ou à soupapes latérales (Admission en tête et échappement latéral pour les moteurs MAG). Les refroidissements par eau ou par air étaient disponibles auprès de la plupart des fabricants. Les moteurs à soupapes latérales refroidis par air coutaient moins chers et ont trouvé leur place sur les modèles standards et populaires, tandis que ceux à soupapes en tête, plus couteux, pouvaient être spécifiées sur les variantes les plus sportives.

Il y avait toute une gamme de modèles. 1909 a vu naître le prototype "Runabout" qui a ensuite été commercialisé en modèle monoplace entre 1910 et 1911. Le siège supplémentaire fut disponible de 1911 à 1915. Parallèlement, les modèles Sporting et De Luxe firent leur apparition, les premiers étant vendus jusqu'en 1921 et les seconds jusqu'en 1931.  À l'époque, Henry Morgan travailla aussi sur un prototype quatre roues qui ne vit jamais le jour. Cent ans plus tard, son châssis et ce qui en restait à l'usine a été revendu en l'état, puis reconstruit par un passionné.

En 1913,  le modèle Grand Prix a été ajouté à la gamme jusqu'en 1926. Ce fut le premier Morgan à avoir l'emblématique radiateur bombé en alliage maillechort (alliage Nickel et argent). C'est aussi en 1913 que Gordan McMinnies remporta le Grand Prix d'Amiens. Cette première victoire majeure permit à Morgan d'acquérir une certaine notoriété  pour ceux qui voulaient acheter une voiture sportive et bon marché. La suite nous la connaissons...

Pendant la guerre de quatorze, Morgan, désireux de s'impliquer dans l'effort de guerre, a conçu un engin à trois roues porte-mitrailleuses mais qui n'a jamais été produit. Entre 1914 et 1918, très peu de modèles sportifs spécifiques ont été fabriqués, mais aujourd'hui, hélas, aucun n'a survécu.
Encore une fois, après la Grande Guerre, un nouveau marché s'est ouvert avec les 4 places Family et Aero proposant une banquette à l'arrière pour enfants (ou pour adultes mais sans réellement de place pour les jambes). Ceux-ci ont perduré jusque dans l'ère des bicylindres à 3 vitesses, puis se sont transformés à l'arrivée de la F4 à moteur Ford.

L'élégante Aero était disponible sur commande spéciale de 1917 à 1921, ensuite elle a été intégrée avec les modèles du catalogue. Le corps des véhicules a perdu sa carrosserie à panneaux plats remplacés progressivement par des courbes plus séduisantes. Ce modèle a perduré au-delà de la fin de l'ère des modèles à deux vitesses et a continué en très petit nombre avec la boîte trois vitesses.

Tout au long de leur développement, les modèles 2-Speed se sont nourris de leurs succès en compétition, dans toutes sortes de courses de vitesse et dans les épreuves sportives et de fiabilité en trial tout chemin. Ces succès continuent encore de nos jours grâce à des légendes du volant comme Gary Caroline et Sue Darbyshire en réalisant des exploits en courses historiques, entre David et Goliath, contre Bentley, Bugatti et autres gros bolides de l'époque.

MODÈLES 3 VITESSES et

 MARCHE ARRIÈRE 1932 à 1952

Au cours des années vingt, il y a eu diverses offres qui permettaient aux propriétaires d'installer une marche arrière, mais elles ne semblent pas avoir eu le succès escompté par la communauté à deux vitesses.  Alors que cette décennie touchait à sa fin, Henry Morgan s'est rendu compte que le public automobile évoluait et que pour rivaliser avec les voitures à quatre roues économiques, trois vitesses et une marche arrière étaient nécessaires. Ainsi, avec l'implication de Burman & Co (qui avait besoin de se détourner de la fabrication de tondeuses pour les moutons !), une toute nouvelle unité de transmission à trois vitesses et marche arrière a été produite. Finis les renvois d'angle du deux-vitesse, pour être remplacés par une vis sans fin en acier avec une roue en bronze pour décaler l'entraînement de quatre-vingt-dix degrés au pignon d'entraînement final. La première boîte « Type R » de 1932 était lubrifiée par de l'huile Castrol R, essentiellement de l'huile de ricin. Des problèmes ont été rencontrés avec la surchauffe de la roue en bronze (non par la faute du lubrifiant, mais plutôt par des problèmes d'écoulement de l'huile entre la roue en bronze et la section de la boîte de vitesses). La boîte a été modifiée en 1933 avec, à l'arrière, une partie réservoir beaucoup plus grande et désormais lubrifiée avec de la Castrol D, une huile minérale plus visqueuse. Si le niveau d'huile était surveillé et maintenu, la fiabilité était retrouvée.

Éclaté de la boîte 3 vitesses

Pour accompagner l'installation des boîtes de vitesses, une version renforcée de la fourche arrière et de son axe était installée. Ce système était apparu sur les boîtiers de renvoi d'angle des deux vitesses à chaîne type M et C. La boîte modèle D a continué avec de légères variations jusqu'à l'arrêt de la production en 1952.

Le principal changement apporté à la gamme des modèles au cours de cette période a également ses racines dans ce que le public exigeait désormais. Il y a eu une transition entre 1932 et 1933 vers des roues démontables qui permettaient désormais de transporter une roue de secours. Initialement, elle semblait fixée comme une auréole sur le dessus du panneau de queue, puis rapidement, elle a été insérée à l'extrémité arrière, dans la partie désormais "coupée" de la carrosserie appelée Barrel-Back (fond de tonneau). Un chroniqueur de l'époque a décrit la vue de l'arrière comme "une vue plongeante sur un goulot de bouteille de bière". Bien Anglais n'est-ce pas ? Un cul de tonneau serait la comparaison française la plus réaliste !

Hélas, l'arrière profilé en queue de scarabé du modèle Beetle-Back, celui relevé de l'Aero, ainsi que l'élégant postérieur en culot  de la Sports Family n'ont pas résisté au temps ; la disponibilité des modèles à moteur V-Twin au Royaume-Uni a cessé en 1939, bien que six Super Sports aient été exportés vers l'Australie en 1952.

Le Morgan F-Type

Après avoir relevé le défi de fournir trois vitesses plus marche arrière et pour calmer le public qui voulait une voiture plus pratique, des moteurs quatre cylindres à soupapes latérales à grande fiabilité ont été achetés chez Ford. Ceux-ci, pour des raisons évidentes, ne pouvaient pas être montés sur les traverses avant de la même manière qu'un bicylindre en V. Tout le châssis a été repensé, abandonnant l'acier tubulaire au profit de sections en Z rivetées ensemble. La suspension avant à tubes coulissants, la boîte de vitesses et la suspension arrière pourraient cependant être réutilisées.


Le premier type F était un modèle familial F4 équipé du moteur Ford de 933cc développant 8hp. Cette voiture est toujours reconnue comme le trois-roues le plus pratique et le plus polyvalent jamais sorti de l'usine. Il pouvait rouler à 60 mph (100Km/h) sur le plat, bien qu'en côte, les montées étaient plus difficiles.


Morgan F2

Le F4 a été rejoint en 1936 par le F2, plus sportif, à deux places, équipé en option du moteur Ford 10 ch 1172 cm3, offrant un gain de performances significatif.


Morgan Super (Sports)

En 1938, le F2 a été remplacé à son tour par le F Super (Sports). La ligne de carrosserie était maintenant abaissée de 2 pouces et les occupants étaient assis sur des sièges abaissés aussi ! L'apparence générale a été rendue beaucoup plus élégante avec des ailes en flèche vers l'arrière, un radiateur abaissé, des ouïes de capot supplémentaires et un pare-brise rabattable à plat. Le moteur de 10 ch inébranlable a augmenté la vitesse de croisière à 65 mph et plus en cas de besoin.

L'empattement plus long et le centre de gravité décalé vers l'arrière leur donnaient une sensation de conduite différente, mais la maniabilité était bien conforme aux normes Morgan. Malheureusement, la production a cessé en 1952. Le monde avait évolué et les petits moteurs Ford à soupapes latérales montés dans des Ford Cortina  Prefect ou Popular représentaient une bien meilleure option pour la famille de l'automobiliste. Mais, sans le même plaisir de conduire !

Merci à Adrien Murray-Leslie, à Steve et Penny Thompson et à Julian Vincent du club Morgan Three Wheeler (MTWC) anglais pour leur précieuse aide à la rédaction de ce texte.